Les premiers repeuplements en saumons ont été réalisés à partir d'oeufs d'origine étrangère, dans le but de soutenir les stocks existants. Les résultats se sont avérés très variables et souvent décevants. Puis, de nombreuses études ont démontré l'importance des souches locales pour augmenter le taux de réussite des programmes des restauration des stocks. De fait, la production d'oeufs à partir de souches indigènes s'est développée à partir de géniteurs sauvages capturés dans le milieu naturel, l'élevage de saumons "enfermés" en eau douce, ou encore, l'élevage de géniteurs dans des cages marines.
Aujourd'hui, les introductions de saumon dans le milieu naturel sont guidées par une meilleure connaissance des relations existant netre le poissons et son habitat.
En Bretagne, les déversements de saumon on commencé dès les années 60. Le soutien d'effectif était considéré comme une opération à caractère temporaire, à mener sur des cours d'eau dont le stock en saumon était jugé déficitaire, pour relancer la reproduction naturelle du saumon.
L'histoire des repeupelments connus en Bretange reste parcellaire. Ceci étant :
- De 1984 à 1995, de nombreuses rivières bretonnes, en plus des bassins du Couesnon, de l'Aulne et de l'Elorn, étaient repeuplées en saumons.
Effectif de juvéniles de saumon déversés sur les rivières bretonnes entre 1984 à 1999 (hors bassins du Couesnon, de l'Elorn et de l'Aulne) - source : BGM
- Après 1995, 6 rivières étaient encore concernées par les soutiens d'effectifs de saumon : Leff, Léguer, Trieux, Odet, Aulne, Elorn et Couesnon.
- Au vu des bons résultats d'indices d'abondance de juvéniles de saumon, le soutien d'effectif a été arrêté à partir de 1996 sur le Léguer, 1997 sur l'Odet, 1999 sur le Leff et 2000 sur le Trieux. Sur ce dernier, les efforts de repeuplement ont été conséquents et marqués par une proportion significative d'adultes marqués, issus de déversements, dans les captures faites par pêche à la ligne de 1994 et 1998 (20 à 46%).
- Les efforts de repeuplement se sont poursuivis sur l'Elorn, l'Aulne et le Couesnon. Cet effort correspond à un soutien d'effectifs sur l'Elorn alors qu'il s'agit d'un véritable programme de restauration des populations de saumon sur le Couesnon et l'Aulne.
Programme de soutien d'effectifs sur l'Elorn
Ce programme a été mis en place pour compenser la perte en habitats et en production naturelle, évaluée à 10 000 smolts/an suite à la mise en eau du barrage du Drennec en 1982 alors qu'il était non équipé d'une passe à poissons et rendait inaccessible l'amont du lac.
De 1980 à 1989, 39 496 smolts et 160 383 parrs et alevins ont été déversés. Depuis 1989, l’AAPPMA de l’Elorn déverse environ 10 000 smolts par an (en moyenne 9234 smolts ou pré-smolts déversés chaque année entre 1989 et 2023). Entre 2010 et 2023, l’AAPPMA de l’Elorn a également déversé en moyenne 7331 parrs chaque année. La production est assurée à la pisciculture du Quinquis.
Programme de restauration des stocks de saumon sur l'Aulne
Bilan des opérations
Au milieu des années 1970, les captures à la ligne sur l'Aulne avaient fortement baissé, et contrairement aux rivières voisines, n'étaient pas remontées au début des années 1980. Ainsi en 1984, un programme de repeuplement a débuté à partir d'individus élevés à la salmoniculture du Favot (environ 23 100 smolts et 238 691 parrs 0+).
A partir de 1989 et jusqu'en 2001, à l'initiative de la FDPPMA29, ce programme a été renforcé avec un déversement annuel d'environ 106 000 juvéniles de saumons (76 000 parrs et 30 000 smolts) issus d'œufs prélevés sur des adultes capturés par piégeage sur la Douffine, affluent estuarien de l'Aulne. Ces premiers efforts conséquents de repeuplement ont eu des effets importants sur le retour d'adultes (multiplié par 4 à 5 par rapport à 1980-1990, avec notamment une valeur de taux de retour de 3,4% en 1994), sur les captures (multiplié par 3,75 par rapport à 1980-1990) et sur le nombre de géniteurs potentiels restant après la saison de pêche. En revanche, ce programme a généré un niveau de capture qui ne pouvait être fourni par un stock sauvage autonome, et il n'a eu aucun impact sur la reconstitution d'un stock sauvage.
A partir de 2002, les modalités du repeuplement en saumons sur l'Aulne ont été modifiées suite à ces premiers résultats et aux connaissances acquises sur ce bassin versant (quantité et la répartition d'habitats favorables au saumon, conditions de migration des saumons adultes). Dorénavant, les géniteurs capturés pour la reproduction artificielle, environ 200, ne sont plus prélevés seulement sur la Douffine mais aussi sur l'Aulne à Châteaulin. Les juvéniles sont déversés uniquement au stade parr (200 000), leur nombre et leur distribution sur le bassin étant fonction des potentialités naturelles du milieu. Ces déversements de juvéniles ont contribué à une part conséquente des captures à la ligne des adultes revenant en rivière (24 et 42%). Néanmoins, le taux de retour de ces juvéniles déversés est resté faible (entre 0,04 et 0,11% sur 5 ans) et le nombre de captures à la ligne a diminué par rapport à la décennie précédente (98 en moyenne par an, contre 396).
A partir de 2011, la Fédération de Pêche du Finistère a opté pour un déversement uniquement de pré-smolts ou smolts sur le cours aval de l'Aulne (compris entre 50 000 et 75 000) pour :
- Réduire la compétition avec les poissons issus de la reproduction naturelle ;
- Limiter le nombre de géniteurs prélevés (de 200 à 75 géniteurs, dont 50 femelles) ;
- Améliorer le taux de retour des adultes.
Bilan des actions menées
Un bilan des actions menées sur l'Aulne pour la restauration d'un stock de saumon a été réalisé en 2011 par le bureau d'études SCEA. Les principales conclusions de ce bilan ont montré les limites du déversement de juvéniles de saumons dans les faibles taux de retours actuels sur les adultes marqués : en moyenne, seuls 38% des retours comptés à Châteaulin en sont issus (voire 20 à 25 % depuis 2004). Ces déversements, qui ne se traduisent par aucun renforcement significatif du stock sauvage génèrent de surcroît un niveau de capture à la Iigne non supportable par le seul stock sauvage.
Cela est en tout point similaire à ce qui avait été observé sur la Douffine depuis 2 décennies : dans un premier temps les retours, surtout de poissons marqués (jusqu'à 97% des retours), ont été aussi importants mais sans profit pour la part sauvage, puis ces retours ont chuté quelle que soit la pratique de déversement (jusqu'en 2001 à base de smolts, selon une gestion halieutique du stock (type sea ranching), et à partir de 2001, à base de parrs, type soutien de l'effectif naturel).
Le doublement des effectifs déversés depuis 2002 sur l'Aulne ne s'est traduit par aucune augmentation des retours : depuis que l'on dispose des comptages à Châteaulin, les taux de retours estimés ne sont que de 0,02 à 0,36 %, soit un rapport de 1 à 30 avec les bassins voisins où se pratique encore une forme de déversement (bassin de l'Elorn par exemple). Les actions de transferts de géniteurs, menées pendant 7 années de suite (2002 à 2009) avec des effectifs significatifs (un peu plus de 70 géniteurs par an en moyenne), n'ont pas semblé plus efficaces : elles n'ont eu aucun impact significatif durant cette période sur le nombre de frayères recensées et sur les indices l'abondance des zones concernées.
source : Plan de gestion des poissons migrateurs Bretagne 2013 - 2017
Programme de restauration des stocks de saumon sur le Couesnon
La réhabilitation sur le bassin versant du Couesnon de la population résiduelle de saumons a fait l'objet de nombreuses opérations menées à partir des années 70. Le programme a comporté différents volets : repeuplement, amélioration de la libre circulation, suivi et caractérisation de la population sur le bassin versant.
Les opérations de réhabilitation du saumon sur le bassin versant ont commencé en 1979, mais n'ont eu aucun résultat significatif chiffré avant 1993 en raison :
- d'un effort de repeuplement très variable en fonction du nombre de poissons déversés, de la souche et du stade de déversement ;
- des possibilités migratoires très réduites tant que le barrage de Beauvoir n'avait pas été aménagé ;
- de l'absence de systèmes de contrôle de dévalaison et de montaison, les seules données de retour d'adultes étant le nombre de captures. Il faut à cette occasion signaler que le nombre de captures antérieures à 1997 reste très faible et qu'elles ne comportent pas d'individus issus du repeuplement.
Ainsi, les opérations de restauration arrêtées, ont repris en 1989, en menant en parallèle des actions d'amélioration et de connaissance du milieu :
- Suppression des pollutions d'origine agroalimentaire;
- Amélioration de la libre circulation : modification de la gestion du barrage de Beauvoir, construction de passes à poissons sur les barrages les plus infranchissables du Couesnon et de la Loysance ;
- Evaluation du potentiel de production en saumon, à partir des caractéristiques de l’habitat, estimé à 6 800 smolts sur le Couesnon et 2 320 sur la Loysance, puis utilisation de la méthode des indices d abondance à partir de 1998 ;
- Amélioration des conditions de repeuplement : utilisation de souches locale (Aulne-Favot) et native (Sélune), production plus régulière grâce à l'unité de production de Cardroc, et meilleure stratégie de déversement ;
- Mise en place d'un système de piégeage montée-descente au moulin du Vivier à Antrain ;
- Suivi et contrôle des captures effectuées par les pêcheurs à la ligne.
Opérations de repeuplement
Au total, 884 000 individus ont été déversés sur la période 1979-2010. Le repeuplement s'est effectué principalement sur le cours principal du Couesnon (44%) et sur la Loysance (41%). Le nombre de saumons déversés est assez irrégulier pour la période 1979/1999, correspondant principalement au repeuplement sur la Loysance. L'effort de repeuplement devient plus régulier pour la période 1999/2009, concentré sur le Couesnon.
Les saumons déversés proviennent tous de populations européennes, mais de six origines différentes. Au début de la période 1979/1990, les poissons provenaient du Danemark, d'Ecosse, d'lrlande et de France (Adour) et, par la suite, de deux populations françaises, l'une bretonne (Aulne) et l'autre bas-normande (Sélune).
Ces saumons ont été déversés au stade alevin, essentiellement sur la Loysance de 1979 à 1999, et sur le Couesnon de 1994 à 1999 (572 910 individus soit 65% du total). Le stade tacon a servi pour le repeuplement du Couesnon entre 2000 et 2010 (282 220 individus soit 32% du total), tandis que le stade smolt a été utilisé ponctuellement sur la Loysance de 1996 à 1998 (28 877 individus soit 3% du total).
Le nombre de smolts (natifs et issus du repeuplement) estimé a varié de 330 individus à 4 889 individus, tandis que le nombre d'adultes capturés (natifs et issus du repeuplement) a oscillé entre 19 individus et 139 individus.
Durant la période de repeuplement intensive sur la Loysance (1996/1999), la proportion de migrants issus du soutien d'effectif a été relativement importante (71% des smolts et 73% des adultes). Néanmoins, la proportion de saumons «natifs» n'était pas négligeable et tentait à croitre. De plus en 1997, la capacité d'accueil sur la Loysance devenait saturée. Cela a été confirmé par de premiers bons niveaux l'abondance en juvéniles. Ces résultats ont eu pour conséquence l’arrêt des repeuplements sur ce cours d'eau. Suite à cette décision, la population de saumons natifs a augmenté fortement puisque le nombre de smolts natifs a été multiplié par trois en moyenne par rapport à la période de repeuplement intensif (419 individus de moyenne entre 1996/1999 contre 1744 entre 2000 et 2010).
Evaluation du taux de réussite des opérations de repeuplement
Les résultats obtenus au piège d'Antrain ont permis de calculer des taux de retour smolt/adulte des individus issus du repeuplement et donc de tenter d'estimer «les taux de réussite» des opérations de repeuplement. Les taux de retour restent faibles pour les deux périodes (respectivement 1,11 et 0,02 %).La période 1995/1999 correspond à un effort maximal de repeuplement sur la Loysance, et la période 1998/2008 à l'arrêt des déversements sur cet affluent. Néanmoins, ces valeurs sont minorées en raison d'une sous-estimation du nombre d'adultes non natifs remontant sur le bassin, et de l'absence de phénomène de homing sur un affluent du gabarit de la Loysance. Ces valeurs resteraient très éloignées de celles observées pour des populations sauvages, comme sur le Scorff, où, pour les deux périodes correspondantes, les taux de survie en mer sont respectivement de 13 et 9 %. Une survie des poissons d'élevage, généralement inférieure à celle des poissons sauvages, renforce cette différence entre les deux cours d'eau.
Le soutien d'effectif réalisé conjointement sur le Couesnon et la Loysance donne un taux de retour nettement supérieur (55 fois) à celui effectué uniquement sur le Couesnon, avec un niveau d'effort correspondant à 80 % de celui effectué sur la première période. Cette tendance est confirmée par les captures lignes. En effet, le taux d'individus capturés issus du repeuplement est beaucoup plus important durant le soutien d'effectif Loysance/Couesnon (23,1 % de moyenne) par rapport à celui sur le Couesnon (4,2%). Ces résultats confirment la faible capacité du cours principal du Couesnon pour le saumon mis en évidence avec l'analyse des indices l'abondance saumons. Cette situation a été l'origine de la décision prise par la Fédération d'llle et Vilaine d'arrêter les déversements de juvéniles de saumons sur le Couesnon à partir de 2011. D'autres éléments ont également conforté cette décision : compétition avec les juvéniles nés dans la rivière et appauvrissement génétique du saumon de la Baie du Mont St Michel, qui constitue un des groupes génétiques identifiés en France.
Conclusion
Le saumon s'est installé de manière pérenne sur la Loysance avec de bons niveaux moyens d'abondance en juvéniles et en smolts sur la période 2000-2010 (6,2 smolts /100m² d'équivalents radier-rapide, ce qui la situe au dessus de la moyenne habituellement retenue pour la production de smolts sur les cours d'eau bretons (3 ind/100m² d'équivalents radier-rapide). Cependant, depuis 2005, le nombre de smolts et d'adultes capturés au piège d'Antrain a diminué, traduisant une population de saumons sur la Loysance encore fragile car soumise à des variations interannuelles naturelles de plus en plus fortes. En revanche, l'augmentation des indices d'abondance sur le Nançon indique que la colonisation devient moins aléatoire sur la zone amont. Néanmoins, le bassin du Couesnon reste un bassin perturbé par des facteurs limitant importants - habitats peu diversifiés, substrat homogène et colmaté, mauvaise qualité de l'eau - et reste donc en convalescence pour le rétablissement d'une population de saumons pérenne.
source : Plan de gestion des poissons migrateurs Bretagne 2013 - 2017