Tout au long de l'année 2024, Bretagne Grands Migrateurs lance une chronique sur la continuité écologique "Circulez !". Aujourd'hui, le troisième épisode...
Plus d'effets que l'on en croit...
Qu’ils soient destinés à la production d’électricité et d’eau potable, au soutien d’étiage, à l’irrigation, à la navigation, à la stabilisation du lit des rivières, à l’aquaculture, aux loisirs aquatiques… ou à rien, les ouvrages transversaux ont un point commun : ils entravent la migration des poissons migrateurs et aussi des sédiments ! La présence et la multiplication des seuils et barrages engendrent de fortes modifications physico-chimiques de l’eau et bouleversent la morphologie des cours d’eau. Conséquence : Les habitats favorables à la vie et à la production des poissons migrateurs disparaissent…
Des effets négatifs sur la physico-chimie et l’hydrologie du cours d’eau
Les retenues interceptent le phosphore, les pesticides - ce qui contribue d’ailleurs à leur dégradation -, l’azote et le carbone. Elles contribuent par ailleurs à l’élévation de la température de l’eau ainsi qu’à la diminution des teneurs en l’oxygène dissous à l’aval du cours d’eau. Tous ces facteurs contribuent à l’eutrophisation de l’eau au sein des retenues.
Les retenues impactent la dynamique de l’hydrologie naturelle des cours d’eau, d’une part en écrêtant les débits d’étiage ou de crue et d’autre part, en accélérant l’évaporation. L’impact hydrologique de ces pertes est significatif si elles constituent une proportion non négligeable du débit d’étiage du cours d’eau : plus le débit d’étiage est faible et plus l’impact sera important. Cela peut représenter une réduction jusqu’à 35 % des débits annuels (CRESEB, 2023).
Des pièges à sédiment
En fonction de leur hauteur, les ouvrages transversaux ralentissent et homogénéisent les écoulements à l’amont, entraînant le dépôt de sédiments. Le piégeage des sédiments dans la retenue dépend de leur granulométrie, de la taille de la retenue, de la vitesse des écoulements en son sein. On distingue :
- La charge de fond constituée d’éléments grossiers allant des sables moyens aux blocs qui sont primordiales pour les organismes aquatiques et participent au maintien des communautés biologiques. Leur taux de piégeage dans la retenue est proche de 100%.
La charge en suspension ou sédiments fins pour laquelle le taux de piégeage est plus variable.
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Certains ouvrages piègent jusqu’à 100 % des sédiments, déconnectant ainsi l’amont du bassin versant de son aval pour ce qui concerne le transport sédimentaire. A l’inverse pour les petits ouvrages, le taux de dépôt est tel qu’ils peuvent parfois se combler en quelques dizaines d’années et devenir transparents pour le transport solide.
L’interruption du transport sédimentaire provoque l’enfoncement du lit à l’aval, dont les sédiments arrachés par le courant ne sont plus compensés par ceux arrivant de l’amont. Cette diminution de la charge grossière altère les habitats aquatiques à l’aval pouvant rendre le milieu abiotique à terme.
D’une manière générale, l’impact d’un ouvrage transversal sur l’hydromorphologie, l’hydrologie, la qualité des eaux de surfaces et les espèces présentes est variable en fonction de ses caractéristiques (pente du cours d’eau, hauteur de chute, gestion de partie mobile). Il tend à augmenter suivant leur hauteur de chute : altération de la dynamique fluviale, perte de diversité d’écoulement et d’habitats, rupture de continuité écologique (montaison et dévalaison des espèces, transit sédimentaire), développement des processus d’eutrophisation, interception et évaporation des écoulements d’étiages… Même si individuellement, notamment lorsqu’elles sont de petite taille, certaines d’entre elles peuvent ne pas présenter d’effets significatifs, l’effet cumulatif des ouvrages impacte fortement les écosystèmes aquatiques.
Effet retenue (à gauche) et europhisation (à droite) observés sur la Seiche (source : Syndicat du bassin versant de la Seiche)
Quelle influence du changement climatique ? D’ici à 2070, les températures de l’air devraient connaître une hausse moyenne de 0,8 à 2°C en Bretagne avec plus de jours de fortes chaleurs. Au niveau pluviométrique, même s’il demeure de grandes incertitudes sur l’évolution des pluies, leur cumul saisonnier tendraient à augmenter en saison de recharge et diminuer en saison d’étiage, avec des risques accrus de pluies intenses et de sécheresses prolongées. La diminution marquée des débits (jusqu’à 20 %), projetée à horizon 2070-2100, va impacter la capacité de dilution des cours d’eau qui, couplé à la hausse des températures, va accentuer les phénomènes d’eutrophisation et dégrader la qualité de l’eau. L’évaporation de l’eau dans les retenues risque par ailleurs d’augmenter, exacerbant les effets d’un déficit d’eau dans les cours d’eau. |
Sources :
- Carluer N., Babut M., Belliard J., Bernez I., Burger-Leenhardt D., Dorioz J.M., Douez O., Dufour S., Grimaldi C., Habets F., Le Bissonnais Y., Molénat J., Rollet A.J., Rosset V., Sauvage S., Usseglio-Polatera P., Leblanc B. 2016. Expertise scientifique collective sur l’impact cumulé des retenues. Rapport de synthèse. 82 pp + annexes
- CRESEB, 2023. Les retenues d’eau : une opportunité d’adaptation au changement climatique ?
- CRESEB, 2023. Impacts des plans d'eau sur les socio-écosystèmes. Formation Élu.e.s sur l’Eau, le Climat, les milieux aquatiques Ressource.
- Croze O. 2008. Impact des seuils et barrages sur la migration anadrome du saumon atlantique (Salmo salar L.) : caractérisation et modélisation des processus de franchissement. Université de Toulouse. 331 pages.
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