Selon l'espèce, l'âge du poisson ou son état de santé, tous les migrateurs ne franchissent pas les obstacles de la même façon. Certains d'ailleurs se cassent le nez et n'y parviennent pas… Les capacités de franchissement d’un obstacle sont étroitement liées aux capacités de nage et de saut qui dépendent elles-mêmes de la morphologie de l’espèce, de sa taille, de sa condition physique et de la température de l’eau.
La silhouette et la morphologie des salmonidés migrateurs amphihalins font d’eux des très bons nageurs aptes au saut. Le saumon et la truite de mer possèdent, au stade adulte, les plus grandes capacités de franchissement d’obstacles par nage et/ou saut :
- Ils peuvent nager à une vitesse de sprint de l’ordre de 4,5 à 6,5 m/s
- Ils peuvent franchir par saut des hauteurs de chute de l’ordre de 1 à 2,5 m
La configuration du site doit toutefois répondre à plusieurs conditions pour que tout leur talent s’exprime : une fosse d'appel suffisamment profonde afin que le poisson prenne de l'élan, une hauteur d'eau assez élevée au droit du barrage pour que le poisson nage, un espace suffisant entre les marches pour prendre son élan et atteindre la marche suivante…
Les aloses et les lamproies ont des capacités de nage moindres (vitesse de l’ordre de 3.5 à 5 m/s pour la grande alose et de 3 à 4,5 m/s pour l’alose feinte et la lamproie marine). Ces espèces n’ont, par ailleurs, aucune aptitude au saut et rencontrent de grandes difficultés à franchir des obstacles dès lors que les jets sont plongeants. Les lamproies, ceci dit, arrivent à franchir des obstacles par un comportement de burst and attach qui consiste en une succession rapide de nage en vitesse de pointe suivie d’accrochage au substrat avec sa bouche-ventouse. Cette particularité leur confère finalement des capacités de franchissement supérieures à ce qu’elles seraient si l’on prenait simplement en considération des vitesses de nage.
L’anguille a de très faibles capacités de nage, de l’ordre de 1,5 m/s pour les anguillettes et anguilles et de 0,5 m/s pour les civelles. Mais, Sa capacité de reptation sur les surfaces mouillées lui permet de franchir des barrières. Les plus petits individus (inférieurs à 12 cm) sont mêmes capables d’escalader des parois verticales en utilisant les forces de tensions superficielles créées entre leurs corps été la paroi humide.
En résumé…
- En plus de savoir nager, les anguilles sont capables de ramper
- La silhouette athlétique de saumon fait de lui un très bon nageur apte au saut
- Bonnes nageuses mais inaptes au saut… les aloses franchissent peu d’obstacles
- Faute de nageoires et d’une musculature adaptée, les lamproies marines ne sont ni bonnes nageuses, ni aptes au saut
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Dans tous les cas, quelle que soit sa hauteur, tout obstacle en travers du lit des cours d'eau est un frein dans la migration. Même s'il n'est pas totalement infranchissable, un barrage à franchir est une difficulté dans le parcours. Il occasionne une fatigue et/ou des blessures qui peuvent être fatales lorsqu'elles se multiplient. Même pour le saumon, pourtant très bon athlète !
Une étude menée en 1999 et 2000 sur l’Aulne (radiopistage) a montré que seulement 4,3 % de la population de saumons était susceptible d’atteindre les zones favorables à la reproduction à cause des 26 obstacles à franchir entre Châteaulin et l’Aulne rivière, pourtant équipés de passes à poissons. Un suivi de la population d’anguilles (pêches électriques) a également souligné les difficultés migratoires rencontrées sur l’Aulne par les jeunes anguilles en raison de l’absence d’équipements spécifiques de franchissement au niveau des barrages d’écluses. Les efforts qu’entreprend la Région Bretagne pour améliorer la circulation piscicole sur l’Aulne canalisée devraient porter leurs fruits. Une étude de dimensionnement de 6 passes à poissons multi-espèces est actuellement en cours, des passes à anguilles vont être installées sur 9 ouvrages en 2024 et d’ici fin 2027, les 6 dispositifs de franchissement devraient être installés… |
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