Si l’on se réfère à l’évolution du règne animal, les premières lamproies marines ont existé avant les poissons et a fortiori avant les dinosaures ! les lamproies sont en effet les ancêtres des premiers vertébrés. Les premières formes très proches des lamproies actuelles datent du Dévonien, c’est-à-dire il y a plus de 350 millions d’années. À titre de comparaison, Homo sapiens est apparu il y a 200 000 ans… © M.-m. Chang, F. Wu, D. Miao & J. Zhang, 2014. Discovery of fossil lamprey larva from the Lower Cretaceous reveals its three-phased life cycle. PNAS 111 (43). https://doi.org/10.1073/pnas.1415716111 |
On considérait jusqu'alors que les lamproies étaient représentées par 3 espèces en Bretagne. Les études génétiques récentes tendent à démontrer qu'il ne s'agit en réalité que de 2 espèces de 2 genres différents : Petromizon et Lampetra. La lamproie fluviatile (Lampetra fluviatilis Linné, 1758) serait une forme migrante de la lamproie de Planer (Lampetra planeri Linné, 1758).
Les lamproies marines viennent se reproduire sur les bassins versants exempts d'obstacles migratoires. Certains fleuves demeurent inaccessibles pour cette espèce du fait des barrages infranchissables. Les lamproies n'ont en effet pas développé leur capacité à la nage ou au saut au fil des temps géologiques en raison de leur régime parasite à l'âge adulte, bénéficiant donc du transport "gratuit" par leur hôte.
En France, le linéaire colonisé par la Lamproie marine est de 5855 km. Sur l’ensemble des fronts de colonisation expertisés pour la lamproie marine, 19% des limites ont un indice de confiance faible quant à leur positionnement, 55% un indice de confiance moyen, et 26% un indice fort. Lamproie fluviatile colinise en France 2806 km de cours d'eau.
En Bretange, la lamproie marine est observée sur la partie aval de plusieurs cours d’eau : le Couesnon et plusieurs de ses affluents (le Chênelais, le Guerge, le Tronçon, la Loisance, l’Alçon, la Jumelière, la Tamout et la Minette), le Guyoult, l’Arguenon et l’extrême aval de son affluent le Montafilan, le Gouët, le Trieux et le Leff, le Jaudy, le Léguer, le Jarlot et le Queffleuth, le Penzé, l’Aulne, l’Odet et certains de ses affluents (le Steir, le Jet, le Lendu et l’anse de Saint-Cadou), l’Isole, l’Ellé et certains de ses affluents (le Naïc, l’Inam, l’Aër), le Scorff, le Blavet et son affluent le Kerollin, le Goah Guillerm et la Demi-Villen, l’Auray, le Sal, le Bilair, le ruisseau de Liziec et le Saint Eloi. Elle remonte la Vilaine jusqu’au barrage de Malon à Guipry (indice de confiance fort) où, malgré des expériences d’abaissement du clapet, les conditions de franchissement ne sont pas satisfaisantes, et sur plusieurs de ses affluents : le Rodoir, le Mazan, le Trévelo et ses affluents (l’étang de Doyenné, la Boulogne, le moulin Pinieux), le ruisseau du Roho, l’Oust et ses affluents (l’Arz, le Saint Gentien, l’Aff, la Claie et les Arches), le Canut et la Chère.
Linéaire colonisé par la lamproie marine sur les cours d'eau bretons (AFB-INRA, 2018)
L'aire de répartition de la Lamproie fluviatile est particulièrement réduite en Bretagne comparée à celle de la lamproie marine. Elle n’est retrouvée que sur le Couesnon où elle serait bloquée au Moulin de l’Angle à l’aval d’Antrain et où elle ne colonise aucun de ses affluents, et sur l’Arguenon jusqu’à sa confluence avec le Montafilan qu’elle remonte jusqu’à Camboeuf. Tous les fronts de colonisation sur ce bassin présentent un indice de confiance faible quant à la précision de leur positionnement. Historiquement, la lamproie fluviatile était également peu présente en Bretagne en comparaison avec la lamproie marine.
Le principal frein à la remontée des lamproies marines ? Les obstacles qui restreignent l’accès aux zones naturelles de reproduction et/ou induisent des retards à la migration allant jusqu’à compromettre leur reproduction. Les capacités de franchissement d’un obstacle sont étroitement liées aux capacités de nage et de saut qui dépendent elles-mêmes de la morphologie de l’espèce, de sa taille et de la température de l’eau. Malheureusement, les lamproies marines possèdent des capacités de nage moyennes (vitesse de sprint entre 3 et 3,5 m/s) et n’ont pas d’aptitude au saut :
- Des vitesses de l’ordre de 2 à 3m/s constituent une difficulté majeure dès lors que la distance à franchir dépasse de 10 à 20 mètres
- Une vitesse d’écoulement supérieure à 4m/s est un obstacle absolu
- Dès une vitesse supérieure à 0,6m/s, la lamproie marine a besoin de se fixer
Particularité chez la lamproie marine… elle a une aptitude à franchir des obstacles par un comportement de « burst and attach » qui consiste en une succession rapide de nage en vitesse de pointe et d’accrochage au substrat avec sa bouche-ventouse. Cette particularité lui confère finalement des capacités de franchissement supérieures à ce qu'elles seraient si l'on prenait simplement en considération des vitesses de nage (Baudoin J.-M., Burgun V., Chanseau M., Larinier M., Ovidio M., Sremski W., Steinbach P., Voegtle B., 2014. Evaluer le franchissement des obstacles par les poissons. Principes et méthodes. Informations sur la continuité écologique - ICE. OFB. Comprendre pour agir) !
Lamproie marine fixée sur un ouvrage (R. Chupin, CSP)