Tout au long de l'année 2022, Bretagne Grands Migrateurs lance une chronique sur l'anguille européenne "Une année avec... l'anguille !". Aujourd'hui, le sixième épisode : A l'assaut des fleuves et des rivières !
A partir d’avril en faveur du réchauffement printanier des eaux (température supérieure à 10-12 °C), les civelles se pigmentent, deviennent de petites anguilles et reprennent leur alimentation pour poursuivre leur migration. Alors que certaines anguilles choisissent de s'établir sur le littoral ou dans les eaux saumâtres, d'autres remontent les cours d’eau. |
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Ce sont surtout les anguilles d’une taille inférieure à 30 cm qui ont ce comportement migratoire. Il est supposé que la migration anadrome des anguillettes est soumise au mécanisme de densité-dépendance. Ainsi, plus les zones en aval des cours d’eau sont occupées, plus les anguilles, en particulier les petits individus, sont contraintes de remonter vers l'amont pour s'installer dans des habitats favorables vacants. Ceci explique le gradient aval-amont décroissant des densités d’anguilles, avec une prépondérance des jeunes individus en aval et leur absence en amont des bassins versants où seules les plus grandes anguilles sont rencontrées. La migration des anguilles est également conditionnée par la qualité et l’accessibilité des habitats.
La colonisation d’un bassin versant par les anguilles, qui s’effectue par vague migratoire, découle de la combinaison de plusieurs facteurs : recrutement fluvial, stock déjà présent, connectivité des milieux et qualité des habitats. Et la Bretagne ne semble pas échapper à la règle…
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La part de jeunes anguilles qui migrent vers l'amont du fleuve pour coloniser les eaux douces est apprécié chaque année depuis 2014 par un réseau régional de suivi du recrutement fluvial par pêche électrique sur 22 stations. L’indice breton observé depuis 2014 est stable mais vraisemblablement à un niveau très bas par rapport aux années 1960, en comparaison à l’indice européen de recrutement. |
La colonisation et le stock en place sont également suivis par un réseau de pêches électriques d’indices d’abondance anguilles, constitué de 1 200 opérations sur près de 690 stations réparties sur une vingtaine de bassins versants. Globalement, il ressort que :
- Les indices d’abondance anguilles, relativement élevés à l’aval des bassins, chutent rapidement dès que l’on s’éloigne de la mer ;
- Même si sur de nombreux bassins, la colonisation des anguilles est largement conditionnée par la présence des obstacles qui constituent un frein ou un blocage, les faibles abondances observées sur les parties basses de cours d’eau semblent être la résultante d’un recrutement fluvial faible ;
- Les anguillettes dont la longueur est inférieure à 15 cm peuvent néanmoins parcourir de longues distances pour atteindre les zones favorables à leur croissance comme c’est le cas sur la Vilaine.
Les anguillettes vont continuent de migrer vers l'amont des bassins versants jusqu'à une taille d'environ 30 cm. Elles se sédentariseront ensuite dans les eaux douces ou les estuaires pendant plusieurs années… (-> rdv en août pour en savoir sur la phase de sédentarisation de l’anguille jaune en eau douce)
Sources :
- Briand C., Fatin D., Fontenelle G. and Feunteun E., 2005. Effect of re-opening of a migratory pathway for eel (A. anguilla) at a watershed scale. Bull. Fr. Pêche Piscic., 378–379, 67–86.
- Collin S., 2013. L’anguille européenne - fiche descriptive. Bretagne Grands Migrateurs :10 p
- Lasne E., Lafaille P., 2008. Analysis of distribution patterns of yellow European eels in the Loire catchment using logistic models based on presence-absence of different size-classes, Ecology of Freshwater Fish, 17 : 30-37
Rendez-vous fin juillet pour le prochain épisode !