Tout au long de l'année 2021, Bretagne Grands Migrateurs lance une chronique sur la grande alose "Une année avec... la grande alose !". Aujourd'hui, le cinquième épisode : Que deviennent les aloses après la reproduction ?
La grande alose est une espèce semelpare. Ce terme barbare vient du verbe latin semel , "une fois" et du verbe pario (parere), "enfanter". La mort qui suit la reproduction fait partie d’une stratégie qui vise à mettre toutes les ressources disponibles dans l’acte de frai.
En fin de reproduction, la très forte altération des muscles et les très faibles teneurs en lipides et protéines des muscles, du foie et des gonades témoignent de l’extrême misère physiologiques des géniteurs de grandes aloses. De fait, une quantité importante de géniteurs meurent après la reproduction comme l’attestent les nombreux cadavres à l’aval des zones de frayères. Les géniteurs de grande alose meurent quasiment tous après la reproduction, l’itéroparité restant un phénomène rare chez cette espèce. Les survivants rejoignent alors la mer pour se refaire une santé avant une nouvelle migration…
En France, la survie est très faible : le nombre de multi-reproducteurs varie de 1,3 sur les populations de grande alose de la Loire… à plus de 10% sur les populations de la Gironde (en moyenne entre 11% pour les mâles et 19% pour les femelles et parmi ceux-ci, 1 à 5 % effectuaient leur 3ème reproduction). Une des explications avancées pour cette particularité girondine serait un meilleur taux de survie après la reproduction puisque les frayères sont plus facilement accessibles (plus courte distance à la mer, meilleure taux de reproduction) par rapport à des frayères situées sur des fleuves de taille comparable comme la Loire.
En Bretagne sur l’Aulne, une étude scalimétrique sur 316 individus a déterminé un taux d’itéroparité de 2,5% en 2001 et 2,1% en 2002. En 2001, seules les femelles présentaient une marque antérieure de reproduction (5,3%) alors qu’en 2002, 3% des mâles contre 1,5% des femelles s’étaient déjà reproduits une fois.
Pourcentage d’itéroparité observé sur l’Aulne en 2001 et 2002 exprimé en pourcentage du nombre total d’individus sexés (Véron, données non publiées)
Années |
Femelles |
Mâles |
Total |
Marques de repro |
N |
% |
Marques de repro |
N |
% |
Marques de repro |
N |
% |
2001 |
0 |
42 |
0,0 |
2 |
38 |
5,3 |
2 |
80 |
2,5 |
2002 |
3 |
100 |
3,0 |
2 |
136 |
1,5 |
5 |
236 |
2,1
|
Le très faible nombre de poissons s’étant reproduit deux fois sur l’Aulne confirme le caractère presque exclusivement semelpare de la grande alose. En revanche, ces résultats contredisent l’explication avancée sur la Gironde, la frayère sur l’Aulne se situant à moins de 10 km de l’estuaire en amont un obstacle équipé d’une passe à fentes verticales. Ces différences du taux de survie pourraient alors être d’ordre méthodologique lié aux difficultés d’interprétation des écailles…
A l’inverse de la grande alose, l’alose feinte, dont la présence en Bretagne est aujourd’hui incertaine, est une espèce itéropare c’est-à-dire qu’elle a la capacité de se reproduire plusieurs fois au cours de sa vie. On considère qu’en moyenne, 30% d’entre elles ont cette capacité. Malgré cela, on retrouve des populations non itéropares comme sur le Sebou au Maroc alors que d’autres comme sur l’Adour, la Gironde, la Wye et la Severn ont des pourcentages très élevés.
Rendez-vous fin juillet pour le prochain épisode !