Tout au long de l'année 2023, Bretagne Grands Migrateurs lance une chronique sur la lamproie marine "Une année avec... la lamproie marine!". Aujourd'hui, le troisième épisode : C'est le printemps, les lamproies arrivent !
Depuis quelques jours, la lamproie marine a « débarqué » dans les rivières bretonnes !Elle séjourne de 1 à 2 ans en mer sur le dos d’un poisson (ou d’un cétacé !) avant de remonter les fleuves au printemps pour s’y reproduire…
La remontée en eau douce des géniteurs de lamproie marine se déroule de nuit de janvier à mai. Elle est déclenchée par des facteurs internes comme la perte de capacité d’osmorégulation et des facteurs externes tels qu'une augmentation de la température de l'eau et/ou une augmentation du débit.
Les lamproies ne semblent pas être soumises au phénomène de « homing ». Elles sont attirées grâce à leur système olfactif préférentiellement vers les cours d’eau abritant une population d’ammocètes. Elles seraient attirées par des phéromones présentes dans la bile des larves (1) et/ou une très forte concentration de fer dégagée par les larves (2). De même, les mâles, arrivant les premiers sur les zones de ponte, attirent les femelles, probablement par la libération de phéromones dans le milieu environnant. (3)
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Première lamproie observée au vidéocomptage de Châteaulin en 2023 (Région Bretagne)
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La migration anadrome des lamproies marines se caractérise par une forte régularité des dates de début et de fin de remontée. D’ailleurs, des travaux récents ont mis en évidence, à partir de l’analyse des données de 40 stations localisées dans 28 cours d’eau en France, une très légère avancée des dates de migration des lamproies en eau douce : 0,2 jour en moyenne tous les 10 ans (4).
Comparaison des périodes de passages des lamproies marines aux stations de comptage en Bretagne depuis la mise en place des suivis (Région Bretagne, Eaux & Vilaine)
Le principal frein à la remontée des lamproies marines ? Les obstacles qui restreignent l’accès aux zones naturelles de reproduction et/ou induisent des retards à la migration allant jusqu’à compromettre leur reproduction. Les capacités de franchissement d’un obstacle sont étroitement liées aux capacités de nage et de saut qui dépendent elles-mêmes de la morphologie de l’espèce, de sa taille et de la température de l’eau. Malheureusement, les lamproies marines possèdent des capacités de nage moyennes (vitesse de sprint entre 3 et 3,5 m/s) et n’ont pas d’aptitude au saut (5) :
- Des vitesses de l’ordre de 2 à 3m/s constituent une difficulté majeure dès lors que la distance à franchir dépasse de 10 à 20 mètres
- Une vitesse d’écoulement supérieure à 4m/s est un obstacle absolu
- Dès une vitesse supérieure à 0,6m/s, la lamproie marine a besoin de se fixer
Particularité chez la lamproie marine… elle a une aptitude à franchir des obstacles par un comportement de « burst and attach » qui consiste en une succession rapide de nage en vitesse de pointe et d’accrochage au substrat avec sa bouche-ventouse. Cette particularité lui confère finalement des capacités de franchissement supérieures à ce qu'elles seraient si l'on prenait simplement en considération des vitesses de nage (6) !
Lamproie marine fixée sur un ouvrage (R. Chupin, CSP)
Sources :
- (1) Carry L., Filloux D., Menchi O., Gracia Q., 2020. Suivi de la lamproie marine sur le bassin de la Dordogne et de la Garonne. MIGADO. 28 p + annexes
- (2) Taverny C., Elie P., 2010. Les lamproies en Europe de l'Ouest, écophase et habitats. Cemagref, Quae éditions, Paris, 111 p
- (3) Les lamproies. Site internet de l’association MIGRADOUR
- (4) Legrand M., Briand C., Buisson L., Besse T., Artur G., Azam D., Baisez A., Barracou D., Bourré N., Carry L., Caudal A.-L., Corre J., Croguennec E., Der Mikaélian S., Josset Q., Le Gurun L., Schaeffer F., Toussaint R., Lafaille P. 2020. Diadromous fish modified timing of upstream migration over the last 30 years in France. Freshwater biology, volume 66, issue 2 : pages 286-302.
- (5) Colin, S., 2010. Fiche complète de description de la lamproie lamproie marine. BGM. 7p
- (6) Baudoin J.-M., Burgun V., Chanseau M., Larinier M., Ovidio M., Sremski W., Steinbach P., Voegtle B., 2014. Evaluer le franchissement des obstacles par les poissons. Principes et méthodes. Informations sur la continuité écologique - ICE. OFB. Comprendre pour agir.
Rendez-vous fin avril pour un prochain épisode !