Tout au long de l'année 2022, Bretagne Grands Migrateurs lance une chronique sur l'anguille européenne "Une année avec... l'anguille !". Aujourd'hui, le huitième épisode : De 5 à 20 ans pour grandir !
A leur entrée en eau douce, les civelles deviennent anguillettes puis anguilles jaunes. Ce stade, plus ou moins long, est entièrement orienté vers la croissance. Après quelques années actives à coloniser les milieux aquatiques côtiers et continentaux, les anguilles jaunes adoptent un mode de vie principalement sédentaire.
Une répartition des anguilles bien plus complexe qu’elle n’y parait…
Les anguilles jaunes colonisent des habitats très variés : estuaires, marais, fleuves, rivières, lacs, étangs, … Leur omniprésence laisse penser qu’elles sont très tolérantes sur le choix de leur habitat mais il existe quelques nuances :
- Un choix de l’habitat en relation avec le sexe de l’individu : les mâles dominent là où les densités sont les plus fortes, souvent dans les parties basses des bassins, alors que les femelles, plus âgées, de plus grande taille et plus grosses, sont dominantes en amont des bassins dans les secteurs plus faiblement peuplés. Ceci-dit, les densités de femelles des zones amont sont très faibles, proches de celles des zones aval.
- Un choix de l’habitat en relation avec la taille : généralement, les petits individus préfèrent les zones peu profondes et courantes avec un substrat grossier (radiers) alors que les individus plus âgés optent pour des zones profondes.
- Un choix de l’habitat en relation avec les saisons : lorsque la température de l’eau est inférieure à 8-10 °C ou supérieures à 26-30 °C, les anguilles ralentissent voire cessent toute activité et ont tendance à s’enfouir dans la vase et les milieux profonds.
Une alimentation diversifiée
Les anguilles se nourrissent principalement la nuit, en utilisant son odorat qui est très développé. Elles ont une alimentation très diversifiée, et à chaque stade de leur cycle de développement, leur régime alimentaire est différent. Elles se nourrissent principalement de petits poissons, d’écrevisses, d’escargot d’eau, de vers d’insectes aquatiques, d’acariens et de déchets divers.
Croissance
La croissance est très variable, de 10 à 100 mm par an selon les individus, leur âge, leur densité et les habitats dans lesquels ils vivent. Cette forte variabilité, d’origine multiple, conduit à des chevauchements des distributions de taille des cohortes qui rend impossible, au-delà des 15-20 premiers cm, la décomposition des cohortes en fonction de la structure en taille des anguilles.
De manière générale, les anguilles dans leur première année de vie en eau continentale grandissent en moyenne de 10 cm ! Leur croissance est ensuite plus faible, de l’ordre de 5cm/an, sur les 6-7 années suivantes. Plus spécifiquement en Bretagne, 2 suivis par marquage individuel étudient la croissance des anguilles :
- Sur le Frémur, la croissance est estimée en moyenne à 20,7 mm/an depuis la mise en place du suivi. Relativement stable d’une année à l’autre, elle oscille entre 18,3 mm pour les individus marqués en 2014 et 31,4 mm pour les individus marqués en 2019. Au niveau individuel, la croissance des anguilles peut toutefois être très différente, variant de 2 à 54 mm. Ces croissances moyennes annuelles sont toutefois plus faibles que celle estimée par la lecture des otolithes entre 1998 et 2004 qui était de 61,7 mm. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer cette différence : un effet de la marque sur la croissance, une diminution globale des croissances sur le Frémur ces dernières années, une surestimation des croissances par la technique d’otolithométrie utilisée entre 1998 et 2004
- Sur la Vilaine, la croissance moyenne des anguilles de plus de 300 mm s’établit à 21,6 mm/an, certaines anguilles n’ayant pas grandi du tout et d’autres grandissant de 60 mm dans l’année. Il est possible qu’un effet ”marquage” apparaisse chez certaines anguilles aux croissances plus faibles lors des deux premières années mais il est difficile de trouver un facteur expliquant clairement la variation observée.
La maturité sexuelle surviendra à une taille de l’ordre de 35 cm pour les mâles, et de 45 cm pour les femelles. Les anguilles jaunes se métamorphoseront alors en anguilles argentées avant de rejoindre la mer pour entamer leur deuxième migration à travers l’océan atlantique vers la mer des Sargasses… Mais ceci est une autre histoire !
Sources :
- ADAM G., FEUNTEUN E., PROUZET P., RIGAUD C. (Coord), 2006. L’anguille européenne, indicateurs d’abondance et de colonisation. Editions QUAE. 400 pages.
- BRIAND C., SAUVAGET B., ERAIU G., 2017. Gestion de l’anguille sur le bassin de la Vilaine en 2016. EPTB Vilaine. 40 pages.
- CHARRIER F., BELHAMITI N., ALLIGNE M., BERTHELOT Y., 2021. Suivi des migrations d’anguilles et évaluation des stocks sur le Frémur en 2020. Fish-Pass pour le MNHN : 123 pages.
Rendez-vous fin septembre pour nouvel épisode !