Le MNHN a mis en place, de 2010 à 2013, un programme de connaissances sur les poissons migrateurs amphihalins en mer. Retour sur les résultats
Le cycle de vie des poissons migateurs est complexe et se caractérise par des migrations vitales entre le milieu marin et le milieu continental. Si leur écologie est relativement bien connue pendant leur phase en eau douce, les connaissances sur leurs phases estuarienne et marine sont en revanche lacunaires et limitent les possibilités de mettre en place des mesures de gestion adaptées et efficaces. En particulier, les différents habitats utilisés pendant ces phases ont très peu été décrits.
Dans le cadre de la désignation des sites Natura 2000 en milieu marin, un programme de connaissances "Amphihalins Natura 2000 en mer" a été mis en oeuvre de 2010 à 2013 par le Muséum national d'histoire naturel (MNHN) avec de nombreux collaborateurs. En plus des recommandations émises sur la prise en compte des poissons migrateurs dans le réseau Natura 2000 en mer, il a été démontré la nécessité d'agir, au travers des documents d'objectifs des sites, sur la qualité des eaux des estuaires en vue d'assurer la meilleure connectivité physico-chimique entre le milieu marin et le mileu continental.
Les connaissances sur les phases marine et estuarienne ont ainsi sensiblement progressé ces dernières années pour les espèces amphihalines incrites en annexe II de la directive "Habitats".
Les lamproies marine et fluviatile
Contrairement aux lamproies marines, les populations de lamproies fluviatiles forment en Atlantique deux groupes génétiquement homogènes (Manche/mer du Nord et Atlantique), signifiant que les éhanges entre ces deux sous-ensembles sont réduits.
En mer, la lamproie fluviatile, plus petite, est moins contrainte par la taille de ses hôtes et peut, par conséquent, se fixer sur un grand nombre de poissons à proximité des côtes. Les lamproies marines semblent se fixer sur un plus grand nombre d'hôtes et privilégient des espèces pélagiques qui réalisent de grands déplacements en milieu marin.
En s'appuyant sur les suivis réalisés sur la lamproie marine, le passage en estuaire constitue une phase critique du cycle biologique des lamproies dans la mesure où elle amorceraient leur migration très rapidement sans tenir compte des conditions environnementales (oxygène, turbidité...).
Les habitats de transition, comme la rade Brest ou la baie du Mont Saint Michel, doivent donc être considérés comme essentiels pour la préservation de l'espèce. En particulier, la rade Brest, avec plus de 4 000 géniteurs de lamproies marines comptabilisés en 2015 sur l'Aulne, constitue une zone d'importance nationale pour la préservation de cette espèce tant pour son rôle de corridor écologique que d'habitats de croissance.
L'alose feinte et la grande alose
Des groupes génétiquement homogènes ont été mis en évidence chez les 2 espèces :
- Pour l'alose feinte : un en Manche / mer du Nord, un second dans le golfe de Gascogne
- Pour la grande alose : un autour de la Nivelle, un deuxième dans le golfe de Gascogne et un troisième Bretagne/Normandie
La distribution des grandes aloses est principalement côtière même si une importante zone marine s'étend du Sud de la Gironde au Sud de Brest. La distribution des aloses feintes est également côtière et montre en Manche, l'importance majeure de la baie du mont saint michel, du golfe normand breton et de la zone de Bréhat.
Confirmant les travaux de Taverny et Elie (2001), les aloses feintes consomment préférentiellement des poissons pélagiques en milieu côtier. La grande alose se positionne clairement à tous les stades dans le réseau pélagique côtier.
Les aloses réalisent des aller-retours à des fréquences non négligeables dans l'estuaire même si ce phénomène apparaît moins marqué chez la grande alose que chez l'alose feinte. Ceci suggère que les aloses s'éloignent peu des côtes, au moins au stade juvéniles (moins de 2 ans).
Par ailleurs, les aloses ajusteraient leur comportement de migration (de reproduction) aux conditions de température et d'oxygène des estuaires. Les zones estuariennes apparaissent comme des habitats écologiques essentiels, non seulement de transit, mais aussi de croissance et de stabulation en cas de mauvaise conditions dans les fleuves et de préparation au passage en eau douce.
Les résultats mettent en évidence la rade de Brest comme habitat marin important pour la grande alose, confirmés par les effectifs comptés aux stations de comptage de Châteaulin sur l'Aulne et Kerhamon sur l'Elorn. Mais le rôle que joue la rade de Brest pour les grandes aloses reste méconnu.
(source : Acou A., Lasne E., Réveillac E., Robinet T & Feunteun E. (2013). Programme de connaissances "Amphihalins Natura 2000 en mer". Evaluation de la suffisance du réseau Natura 2000 en mer pour les espèces amphihalines et éléments de réponse aux recommandations émises en zone atlantique. Rapport de synthèse du Muséum National d'Histoire Naturel, Stations marines de Dinard et Concarneau. 25 pages.)
Pour télécharger la synthèse du progamme de connaissances "Amphihalins Natura 2000 en mer"