Tout au long de l'année 2022, Bretagne Grands Migrateurs lance une chronique sur l'anguille européenne "Une année avec... l'anguille !". Aujourd'hui, le deuxième épisode : L'anguille, bientôt absente des cours d'eau ?
« Hier » considérée en France comme nuisible, l’anguille européenne, jadis extrêmement abondante, a vu sa population déclinée en seulement quelques décennies, au point d’être classée en 2008 en danger critique d’extinction par l’Union internationale de la conservation de la Nature (UICN)…
Seulement 40 ans pour mettre en péril cette espèce
La population d’anguille européenne est en chute libre depuis les 40 dernières années ! Les arrivées de civelles représentent aujourd’hui seulement 5% de leur niveau des décennies 1960-70. Ce déclin continu se répercutent sur le stock d’anguilles jaunes et argentées qui s’estime actuellement à moins de la moitié de ce qu’il était autrefois…
Evolution des indices de recrutement de civelles (gauche) et d’anguilles jaunes (droite) exprimés en pourcentage par rapport aux données de la période 1960-1979 (WGEEL, 2021)
Le triste résultat de l’activité humaine…
Pêche, construction de barrages, pollutions, assèchement des zones humides, parasitisme... les causes du déclin sont diverses et on ne connaît pas le poids respectif de chacune d’elles. Une chose est sûre, toutes ont une origine humaine !
En milieu marin, l’anguille fait face dès son plus jeune âge aux changements climatiques qui provoquent le ralentissement du Gulf stream, courant de l’Atlantique nord essentiel dans le transport des leptocéphales, et la baisse de la productivité primaire des zones de convergences intertropicales. A ces dernières s’ajoutent de fortes concentrations de microplastiques, qui seraient confondues avec la neige marine dont les larves se nourrissent. Les conséquences sont sans appel : augmentation du temps de migration, alimentation insuffisante, contaminations…
En eau douce, l’anguille n’est pas en reste… Plus d’un million d’obstacles entravent en Europe leurs migrations, que ce soit vers l’amont des cours d’eau que vers la mer. Cela se traduit par des retards, des blocages et des mortalités (turbines). Près de 70% des zones humides, qui sont autant de zones de croissance pour l’anguille, ont été détruites au profit de la navigation, de l’urbanisation, de l’agriculture, … A la perte de ses habitats en eau douce, l’anguille doit subir la pollution des cours d’eau, le parasitisme (anguillicola crassus) … qui ont des effets sur la qualité des géniteurs. Enfin, la surpêche s’ajoute à ces pressions et aggravent la situation de l'espèce.
=> Rendez-vous en mai pour en savoir plus sur les menaces qui pèsent sur la population d’anguilles
Comment sauver l’anguille ?
Depuis 2007, un règlement européen œuvre à la restauration des anguilles en instituant des mesures de reconstitution de son stock. En parallèle, la CITES (Commission internationale sur le commerce des espèces en danger) a interdit l’export des civelles hors de l’Europe. Au niveau local, de nombreuses actions de restauration et reconnexion de l’habitat fleurissent à l’initiative des syndicats de bassins versants, collectivités, fédérations de pêche, associations, Etat… mais les efforts doivent se poursuivre. D’autant plus face au changement climatique qui aura non seulement un effet important sur les conditions de migration de l’anguille en mer, mais également des conséquences sur leur croissance en rivière…
=> Rendez-vous en décembre pour en savoir plus sur les actions menées pour la préservation des anguilles
Rendez-vous fin mars pour le prochain épisode !